Synthèse réalisée par M. Abdellah Bounfour:
Ont participé à ce débat Mme M. Demnati, MM. S. Lévy, M. Janjar, H. Rachik et M. Jaydane. M. A. Bounfour a assuré la modération.
La conférence-débat a abordé trois thèmes fondamentaux :
- Un problème de vocabulaire : qu’entend-on par pluriel, diversité ? Qu’entend-on par identité ?
- Identité et/ou identités ?
- Comment traduire politiquement la diversité identitaire sur un plan politique ? On examinera essentiellement la langue, la religion et l’ethnicité.
- Discussion avec le public.
Diversité, identité
En français le terme ‘diversité’ a deux significations fondamentales : une signification très générale qui désigne l’altérité de toute sorte et une signification plus stricte qui désigne ce qui intrinsèquement et qualitativement différentie les objets, les personnes, les communautés, etc. En arabe, le premier sens correspondrait à tafâwut et le second à tanawwuɛ. Le lexique marocain utilise taɛaddud, ce qui se traduit par pluralité ou multiplicité. Il est, donc, nécessaire que chaque intervenant définisse ces mots pour que le public puisse suivre. Ce qui fut fait.
On note un consensus sur les points suivants :
- La nécessité de distinguer la diversité de fait de la diversité en tant que valeur ;
- Cette dernière n’est pas un donné naturel, mais une construction culturelle ;
- Et comme toute construction la diversité est non close ; elle est infinie.
- Le nationalisme – nécessaire pour retrouver l’indépendance – a retardé la prise de conscience de la diversité. Ceci est acquis aujourd’hui, mais cela pose des problèmes qu’il faut résoudre.
Identité au singulier et/ou au pluriel ?
Tous les intervenants admettent, voire affirment l’évidence de la pluralité des identités. Le problème reste celui de les définir et de les articuler dans un vivre ensemble.
Trois combinaisons ont été abordées :
- Affirmer une identité centrale et des identités périphériques : amazighité puis arabité, africanité etc. ou arabité puis amazighité, africanité, etc. ou islamité puis…
- Affirmer l’égalité de ces identités et la capacité de les vivre selon le contexte. L’anthroponymie en donne un exemple : X fils de Y + identité de naissance + identité de formation + identité de métier, etc..
- Affirmer la centralité du ‘commun’ en complémentarité avec les diverses identités.
Traduction politique de la diversité identitaire
Ce point a été dominé par la question de la langue, particulièrement la langue amazighe.
Il semblerait que le mouvement amazigh revendique non seulement la constitutionnalité de l’amazigh, mais en lui donnant le statut de langue officielle car, est-il affirmé, jusqu’à présent les réseaux anti-amazigh ont retardé la réussite de l’enseignement de cette langue.
Il est aussi affirmé que l’arabe classique est essentiel, qu’il serait important de considérer la darija qui est, est-il dit, la vraie langue nationale des Marocains.
Une autre proposition consiste à dire qu’il faut choisir la langue ‘qui se porte le mieux sur un plan économique’.
Enfin, la proposition la plus consensuelle serait que l’offre culturelle et sociale, comme dans le domaine économique et commercial, soit aussi diversifiée que possible pour que l’individu puisse choisir. Diversité de l’offre et possibilité de choix, tels sont les valeurs fondamentales de la démocratie libérale et parlementaire.
Résumé du débat avec le public
L’ensemble des débats fut accaparé par le problème de la langue amazighe : son intégration a été débattue du point de vue économique (budget de l’Education nationale déjà lourd), éducatif (risque d’aggraver le niveau éducatif si l’on ajoute une autre langue comme l’amazigh, idéologique (crainte de porter atteinte à l’unité nationale), etc. Toutes les craintes et les peurs déjà bien identifiées depuis longtemps réapparurent.
Quoiqu’il en soit, il a été constaté que si la traduction juridique de la diversité linguistique pourrait facilement intervenir, sa traduction pratique n’est pas encore bien claire. Néanmoins, l’offre juridique et institutionnelle est considérée comme un pas important.
Le second thème, très peu abordé, fut le statut du religieux, par rapport au politique. Là encore la diversité a été constatée. Comment la traduire politiquement ? Les expériences des pays démocratiques sont éclairantes et il faut s’en inspirer.
Le troisième thème est celui de l’éducation et de la formation. Que ce soit la langue ou la religion, c’est au système éducatif que revient l’intégration des valeurs démocratiques (sans oublier les médias, les partis politiques, la société civile). C’est pourquoi il faudrait revoir le contenu de cet enseignement et en extirper tout ce qui va contre la rationalité et les valeurs démocratiques.
- Résumé de l'intervention de M. Mohamed Sghir Janjar (voir ci-après):